Bruxelles - Moins d’une semaine après l’accord des chefs d’État et de gouvernement sur une augmentation substantielle du niveau d’ambition climatique de l’Union européenne (UE), les ministres du Climat ont finalisé l’orientation générale du Conseil au sujet de la future loi européenne sur le climat. Le Conseil dispose désormais d’une base pour entamer les négociations avec le Parlement européen en vue de finaliser au plus vite la loi européenne sur le climat, répondant ainsi à l’appel du Conseil européen de la semaine dernière.
Neutralité climatique 2050 et objectifs intermédiaires
Avant de pouvoir finaliser leur position, les ministres avaient en effet dû attendre que le Conseil européen du 10 et 11 décembre 2020 se prononce sur le niveau d’ambition général de l’UE pour 2030. Après une nuit blanche, le Conseil européen avait finalement pu s’accorder à porter l’objectif de réduction de l’Union européenne de 40%, niveau fixé en 2014, à un minimum de 55%, comparé au niveau de 1990.
Les ministres ont ainsi soutenu la proposition de la Commission de renforcer de manière significative le cadre législatif dont dispose l’UE dans sa lutte contre le changement climatique. Les ministres ont validé l’inscription des deux objectifs communs, juridiquement contraignants: à côté de l’objectif pour 2030, rehaussé à un minimum de 55%, il s’agit d’atteindre la neutralité climatique de l’UE d’ici 2050 au plus tard. Ils y ont inscrit les mécanismes pour établir l’objectif intermédiaire manquant pour 2040 et pour assurer les révisions de l’ambition climatique de l’UE de manière structurée et programmée, en ligne avec le cycle de révision de l’ambition tel que prévu au niveau international sous l’accord de Paris. Ils ont également renforcé l’ancrage de la dimension de l’adaptation au changement climatique dans la loi.
Réussir la transition climatique à l’échelle européenne
Ces éléments amélioreront la transparence et la prévisibilité de la transition climatique et énergétique de l’UE. Cette clarté guidera de meilleure façon toutes les parties prenantes dans leurs actions et notamment les acteurs de l’économie. Parmi d’autres éléments, les ministres ont aussi inscrit dans la loi des principes-clé pour la transition, comme l’importance du rapport coût-efficacité, de la solidarité ou encore de la transition juste et équitable, qui devront être pris en compte dans le développement des législations et politiques sectorielles de mise en œuvre.
Les ministres chargés du Climat ont également adopté la révision de la contribution dite «contribution déterminée au niveau national» de l’Union européenne sous l’accord de Paris. Cinq ans après le succès de la COP 21 (12 décembre 2015 à Paris) et au vu de l’urgence climatique, les parties signataires de l’accord de Paris étaient en effet appelées à concrétiser leurs engagements pour accélérer la transition au cours des 5 ou 10 ans à venir. La contribution de l’Union européenne, qui s’appuie sur l’objectif de réduction d’au moins 55% endossé par les chefs d’État et de gouvernement le 11 décembre, constitue un engagement concret, prévisible et ambitieux, répondant ainsi non seulement aux attentes des pays partenaires de l’UE, mais aussi à l’appel des entreprises, des jeunes et de la société civile en général.
Niveau national: PNEC et première loi climat au Luxembourg
Le Luxembourg pour sa part n’a pas attendu un accord au niveau européen pour relever son propre niveau d’ambition. La toute nouvelle loi du 15 décembre 2020 relative au climat, votée le 8 décembre dernier à la Chambre des députés, établit l’obligation de réduire l’émission au Grand-Duché de gaz à effet de serre de 55% jusqu’en 2030, transpose l’objectif de la neutralité climatique au plus tard pour 2050 à l’échelle nationale et établit le cadre légal nécessaire pour la mise en œuvre du Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC).
Carole Dieschbourg commente à cette occasion: «Il y a urgence climatique et nous devons mieux nous outiller au niveau européen tout comme au niveau national pour limiter l’élévation de la température moyenne globale à 1,5°C. Il est clair que nous avons encore du chemin à faire, mais la loi sur le climat est un pas décisif sur cette lancée.
Cette loi met la destination du voyage au clair et programme l’ajustement au fur et à mesure de notre ambition climatique aux recommandations du monde scientifique. Elle assurera également une meilleure transparence et prédictibilité envers les citoyens et les acteurs de l’économie et des finances.
Il s’agit maintenant de finaliser les négociations avec le Parlement européen dans les meilleurs délais pour arriver à une loi européenne sur le climat qui sera solide, crédible et opérationnelle.
Dans ce contexte particulier, je suis d’autant plus fière que le Luxembourg ait pris ses responsabilités de manière anticipée et ait déjà adopté notre loi nationale sur le climat, avec nos objectifs nationaux de neutralité climatique d’ici 2050 et notre objectif pour 2030 rehaussé à moins 55%.
Ces développements montrent que notre société a compris les enjeux et a bel et bien entamé sa transition, même si nous devrons donner encore des petits coups d’accélérateur. Cela me donne espoir et me motive».
Le Règlement Aarhus permettra l’accès en justice des ONG en matière d’environnement au niveau européen
Les ministres ont adopté une orientation générale sur la proposition de révision du règlement Aarhus en vue d'améliorer l'accès à la justice en matière d'environnement présentée par la Commission en octobre 2020. Il s’agit d’élargir le droit de recours des ONG actives dans le domaine de l’environnement contre certains actes administratifs adoptés par des institutions ou organes de l’UE et susceptibles de porter atteinte à l’environnement. Carole Dieschbourg a soutenu l’orientation générale proposée pour des raisons procédurales notamment alors que la question qui se pose toujours est celle de savoir si la proposition est suffisamment bonne aux yeux du comité d'examen du respect des dispositions de la convention d'Aarhus (ACCC) également à la lumière de plusieurs arguments pertinents avancés par certaines ONG qui estiment que la proposition de la Commission ne serait pas suffisamment claire à certains endroits et ne tiendrait pas suffisamment compte des conclusions du comité de mars 2017. La ministre a souligné que l’avis du comité qui est en cours de préparation doit être pris en compte dans le cadre des négociations futures et si, besoin en est, le texte serait à amender. Il importe de rendre le droit de l’Union conforme à la convention d’Aarhus avant la prochaine réunion des parties, fin 2021.
Stratégie durable dans le domaine des produits chimiques
Les ministres de l'environnement ont procédé à un échange de vues sur la communication de la Commission intitulée «Stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques - Vers un environnement exempt de substances toxiques». Adoptée par la Commission comme élément clé du Pacte vert pour l'Europe en octobre 2020. Carole Dieschbourg a salué l’approche intégrée préconisée et les nombreuses actions envisagées adressant ensemble la santé et l'environnement. «Une ambition renforcée est nécessaire pour assurer la transition vers une économie circulaire et une planète sans pollutions. Une mise en œuvre rapide des actions de la stratégie basée sur les principes de précaution et de prévention sera essentielle pour réduire l'utilisation des produits chimiques ainsi que l'exposition de la population à travers différentes voies d'exposition». La ministre a souligné l’importance cruciale d’un financement durable et à long terme des agences européennes, notamment l'ECHA. La poursuite d’une approche générique est essentielle à une gestion efficace des risques dans le but absolu de la protection des consommateurs, notamment des enfants et groupes vulnérables. Carole Dieschbourg s’est d’ailleurs montrée ouverte à une ouverture ponctuelle et ciblée du règlement REACH pour atteindre certains des principaux objectifs de la stratégie. Enfin, la ministre a salué l’adoption projetée par la prochaine Présidence portugaise de conclusions sur la stratégie.
Conclusions «Pour une relance circulaire et écologique» et «La transformation numérique au bénéfice de l'environnement»
Les ministres de l'Environnement ont encore adoptés sans grandes discussions des conclusions «Pour une relance circulaire et écologique» faisant suite au nouveau plan d’action pour l’économie circulaire et «La transformation numérique au bénéfice de l'environnement» thématisée déjà lors du Conseil informel des ministres de l’Environnement en juillet 2020.
Nouveau règlement relatif aux piles et aux déchets de piles
Parmi les points «divers» est à noter surtout la présentation par la Commission du nouveau règlement relatif aux piles et aux déchets de piles. Ce dossier important, notamment dans le contexte d'une électromobilité durable, sera analysé en détail en vue d'assurer que le dossier final sera suffisamment ambitieux afin de répondre aux attentes. Cette analyse devra également garantir que les systèmes existants de gestion des déchets au cours des dernières années au niveau national gardent leur validité et peuvent contribuer à la mise en œuvre du futur cadre pour les batteries.
Éliminer la déforestation
À noter enfin, que la ministre, Carole Dieschbourg, a soutenu un point divers initié par la délégation française selon lequel «la déforestation causée par l'activité humaine se poursuit sur un rythme alarmant, menaçant notamment les forêts tropicales irremplaçables qui, entre autres, sont essentielles à la lutte contre le changement climatique et au maintien et à la préservation de la biodiversité». Il y est fait appel à l'adoption de propositions et d'initiatives législatives ambitieuses, dans les meilleurs délais, en lien avec la nouvelle loi sur le climat, et comme annoncé dans les stratégies de l'UE sur la biodiversité et «de la ferme à l'assiette», en accord avec l'objectif de l'UE de mettre fin à la perte de forêts au niveau mondial d'ici 2030.