Le dimanche 18 décembre 2022, le Conseil de l’Union européenne, le Parlement européen et la Commission européenne sont parvenus à un accord qualifié d’historique permettant de conclure un volet substantiel du paquet «Ajustement à l’objectif 55» mis en avant par la Commission en juillet 2021. Une étape décisive dans ce dossier avait déjà été franchie fin juin 2022 lorsque les ministres de l’Environnement, réunis à Luxembourg, avaient réussi à dégager une orientation générale concernant la proposition de directive réformant le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, ainsi que les autres textes législatifs y liés. Cette orientation générale constituait la base pour les négociations finales du second semestre 2022.
Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre sera à la fois renforcé et entre autres étendu aux secteurs des bâtiments et des transports routiers. Au niveau communautaire, près des trois quarts des émissions de CO2 seront ainsi liées à des quotas d'émission, dont la quantité globale diminuera continuellement, conformément aux objectifs climatiques fixés au niveau de l’Union européenne.
Afin d'atténuer les conséquences négatives sur les plus vulnérables de la hausse des prix des combustibles fossiles résultant de l'introduction du nouveau système d'échange de quotas d'émission pour les secteurs du bâtiment et des transports routiers, un nouveau fonds social pour le climat sera introduit.
En outre, l’introduction d’un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières visant les importations de produits dans les industries à forte intensité de carbone permettra de prévenir le risque de fuite de carbone.
Ensemble avec l’accord sur l'objectif zéro émission de CO2 pour les voitures et camionnettes neuves en 2035, celui portant sur les objectifs de réduction des émissions pour les États membres et l’accord conclu récemment pour ce qui est du renforcement de la contribution du secteur de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) à l'ambition climatique globale renforcée de l'UE pour 2030, ce nouvel accord conclu ce dimanche assurera le respect de l’objectif de l’Union européenne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030 comparé au niveau de 1990.
Seul les négociations visant à renforcer les objectifs en matière d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique ainsi que certaines propositions législatives liées au transport doivent encore être conclues début 2023 afin de finaliser le paquet «Ajustement à l’objectif 55» dans son entièreté.
Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE) renforcé et étendu
Les dispositions actuelles du SEQE sont renforcées et son champ d'application est étendu. Le SEQE actuel s’applique aux installations de production d’électricité, aux installations du secteur de l’industrie manufacturière et à l’aviation (vols intra-UE). Les deux aspects principaux de la réforme sont la hausse de l’objectif de réduction en 2030 par rapport à 2005 (passant de 43% à 62%) et l’inclusion de nouveaux secteurs: le transport maritime au sein du système existant, et le transport routier et les bâtiments au sein d’un «deuxième SEQE» dédié, à partir de 2027.
Afin de traduire cette augmentation du niveau d’ambition, le taux de réduction annuel du volume de quotas (facteur de réduction linéaire) passera de 2,2% à 4,3% par an entre 2024 et 2027 et à 4,4% entre 2028 et 2030. La réserve de stabilité du marché, dont l’objectif consiste à éviter des fluctuations excessives des prix des quotas, sera renforcée en prolongeant au-delà de 2023 le taux d'absorption annuel accru des quotas (24%). Par ailleurs les règles d'allocation gratuite de quotas ont été largement révisées et seront liées notamment à des audits énergétiques et, pour certaines installations, à des plans de neutralité climatique.
Extension du SEQE au secteur maritime
L’application du SEQE au secteur maritime se fera de façon progressive. Ainsi, les compagnies maritimes devront dès 2024 restituer des quotas à hauteur de 40% de leurs émissions vérifiées. L’année suivant 70% des émissions vérifiées seront couvertes avant une application à 100% en 2026.
Le SEQE couvrira ainsi près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre au niveau communautaire: la production d’énergie, l'industrie à forte consommation d'énergie, le transport maritime et aérien.
Nouveau mécanisme d'ajustement carbone aux frontières
En parallèle du renforcement du SEQE, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières sera introduit à partir de 2023 avec une période de transition de trois ans. Ce «Carbon Border Adjustment Mechanism» (CBAM) concerne les importations en provenance de pays tiers sans exigences comparables en matière de protection du climat. Il remplacera progressivement, sur une période de neuf ans entre 2026 et 2034, l'instrument central actuel de protection contre les fuites de carbone, à savoir l'allocation gratuite de quotas d'émission, dans les secteurs concernés.
Au départ, le CBAM couvrira le secteur de l'électricité ainsi qu'une grande partie des émissions des secteurs industriels suivants: fer et acier, aluminium, ciment, engrais, hydrogène. Il est prévu que le nombre de produits couverts par le CBAM augmente au fil du temps. Grâce à ce mécanisme, les émissions de CO2 de certains produits à forte consommation d'énergie importés dans l'UE seront à l'avenir également soumis à un prix carbone. Créant une compensation pour les entreprises européennes soumises au système d'échange de quotas d'émission, ce mécanisme assurera ainsi une situation de concurrence équitable par rapport aux entreprises d'autres zones économiques.
Nouveau système d'échange de quotas d'émission pour les secteurs des bâtiments et du transport routier
Les co-législateurs ont décidé de créer, à partir de 2027, un nouveau système d'échange de quotas d'émission autonome pour les bâtiments, le transport routier et les combustibles dans certains secteurs industriels, dans un souci d’accélérer la décarbonation dans ces secteurs. Une partie des recettes de la mise aux enchères sera utilisée pour soutenir les ménages vulnérables par le biais du nouveau fonds social pour le climat. Un mécanisme de marché, moyennant la libération de quotas supplémentaires, veillera à ce que les prix soient amortis lorsqu'ils dépassent 45 euros par tonne de CO2.
Les émissions prises en compte par le SEQE-2 devront être réduites de 43% d'ici 2030 par rapport à 2005. La trajectoire de réduction des émissions et le facteur de réduction linéaire ont été fixés à 5,10% par an, augmentant à 5,38% par an à partir de 2028. L’allocation de quotas se fera moyennant des ventes aux enchères. Des droits d’émission gratuits ne sont pas prévus. Par ailleurs, les co-législateurs se sont mis d'accord sur une possibilité temporaire pour les États membres d'exempter les fournisseurs des combustibles et carburants concernés de restituer des quotas jusqu'en décembre 2030, s'ils sont soumis à une taxe carbone au niveau national, dont le niveau est équivalent ou supérieur au prix de vente aux enchères des quotas dans le nouveau système d'échange de quotas d'émission.
Comme le Luxembourg a introduit en 2020 une telle taxe carbone − la taxe CO2 −, le gouvernement étudiera en détail quel système sera le plus avantageux en terme de protection du climat et d’impacts sociaux. Par la suite, une décision sera prise par rapport au maintien ou non, au-delà de 2026, du système de la taxe CO2 nationale dont le prix sera de 30 euros par tonne de CO2 à partir du 1er janvier 2023. Le système actuel présente l’avantage manifeste que la moitié des revenus de la taxe CO2 est dédiée à des mesures sociales d’atténuation destinées aux ménages les plus vulnérables, comme le crédit d’impôt destiné aux deux quintiles inférieurs de revenus (Q1 et Q2), ainsi que l’augmentation de l’allocation de vie chère.
Introduction d’un fonds social pour le climat
Un nouveau fonds social pour le climat mettra à la disposition des États membres des moyens financiers afin d’atténuer les conséquences sociales du nouveau système d'échange de quotas d'émission SEQE-2 s’appliquant aux secteurs des bâtiments et des transports routiers. Ce fonds visera des mesures pour décarboner les bâtiments et les transports routiers, et sera au bénéfice des ménages à faible revenus, aux micro-entreprises et aux usagers des transports.
Le fonds est doté d'un montant total de 65 milliards d'euros sur la période 2026-2032 et sera financé en grande partie par les recettes du nouveau SEQE-2. En outre, les États membres contribueront aux mesures mises en œuvre avec leurs propres ressources budgétaires, de sorte qu'un total d'environ 86 milliards d'euros sera disponible pour la compensation sociale.
Chaque État membre soumettrait à la Commission un «plan social pour le climat», contenant les mesures et les investissements qu'il compte entreprendre pour atténuer les effets du nouveau système d'échange de quotas d'émission sur les ménages vulnérables. Ces mesures pourront inclure l'augmentation de l'efficacité énergétique des bâtiments, la décarbonation des installations de chauffage et de refroidissement et des mesures visant une mobilité à émissions nulles ou faibles.