Le corbeau freux à l’origine d’une situation de conflit
Le corbeau freux (lu : Hierschtkueb, de : Saatkrähe) est un oiseau qui, à l’instar d’autres espèces, a en partie quitté son habitat naturel, qui est le milieu ouvert pour s’installer en milieu urbain. Les raisons de ce changement sont e.a. la régression progressive des grands arbres solitaires dans le milieu ouvert rural et une perte progressive de nourriture pour le corbeau sur les champs.
Le corbeau freux se loge dans des arbres de taille importante – en milieu urbain de préférence dans les platanes – où il construit son nid et élève sa progéniture. Le choix de l’endroit du nid est guidé non seulement par la végétation existante, mais également par la proximité et la facilité d’accès à des sources de nourriture.
La cohabitation entre les habitant.e.s de l’espace urbain et les populations de corbeaux constitue une source de conflits potentiels : les croassements des corbeaux freux et la pollution par leurs fientes, surtout à proximité des sites de reproduction, constituent une gêne, voire un problème pour les habitant.e.s. Ces phénomènes surviennent principalement pendant la saison de reproduction, c'est-à-dire entre les mois de mars et juin.
Une législation protectrice des oiseaux
Les corbeaux freux constituent une espèce intégralement protégée sur le territoire de tous les États membres de l’Union européenne. Il s’agit du plus haut degré de protection prévu par la législation européenne, qui s’applique par ailleurs, et seulement à quelques exceptions près, à quasiment tous les oiseaux indigènes du territoire de l’Union. Cette forte protection prend son origine dans la directive « oiseaux » de 1979 qui a été adoptée au niveau européen suite au constat d’une forte régression de toutes les populations d’oiseaux, pour certaines très rapide, dans toute l’Union européenne, de sorte à constituer une menace pour les équilibres biologiques et de manière générale pour la conservation du milieu naturel.
Cette directive est transposée en législation nationale par la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles : il est interdit de tuer, de capturer, de perturber, notamment durant les périodes de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration ou encore de détériorer les sites de reproduction ou les aires de repos les espèces animales intégralement protégées. Ces interdictions s’appliquent à tous les stades de vie des espèces animales, dont également pour les nids et œufs (article 21 de la loi précitée).
Une dérogation à ces dispositions ne peut être accordée que dans des cas spécifiques ; la loi précitée limite et encadre de manière précise les cas de figure possibles. Ainsi, des dérogations peuvent, s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et qu’une telle dérogation ne nuit pas au maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable, être accordées par le ou la Ministre de l'Environnement, du Climat et du Développement durable, ceci notamment dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique. Une telle situation serait notamment lorsque les corbeaux nichent à des endroits publics de rencontre, comme par exemple près des cours d’écoles, des aires de jeux ou des terrasses avec restauration.
Bien à savoir
Le corbeau freux est omnivore. Il se nourrit donc aussi bien de grains et de fruits que des charognes ou de déchets alimentaires. Comme charognard, le corbeau freux remplit une fonction importante dans l’écosystème : Il fait office de « police sanitaire » en mangeant des invertébrés et en contribuant ainsi au contrôle de ces populations. Il joue également un rôle dans la propagation des plantes sauvages.
De ce fait, dans les villes, ces oiseaux adaptables trouvent une offre alimentaire large et attrayante. Ils mangent des restes de nourriture dans les poubelles ou jetés au sol.
Un déplacement forcé d’une population de corbeaux freux, que ce soit en raison de l’abattage ou d’élagage d’arbres ou de l'enlèvement de nids dans les arbres, amène les animaux à s'installer à d’autres endroits : les colonies de corbeaux se fragmentent et créent de nouvelles populations locales, qui, une fois y installées, vont à leur tour se reproduire. Une fragmentation d’une population résulte ainsi en une multiplication de colonies à différents endroits.
À titre d’exemple : À l’époque de l’entreprise Luxlait, longeant le boulevard Marcel Cahen à Luxembourg-Ville, ce site affichait une végétation abondante à l’Est de l’entreprise et comptait une importante population de corbeaux freux. En 2013, l’intégralité de cette bande verte disparait au profit de l’urbanisation du site. La population de corbeaux freux qui habitait l’ancienne bande verte du site de l’entreprise Luxlait a, au moment des travaux d’abattage des grands arbres du site, dû se déplacer et trouver un nouvel habitat. Les arbres adaptés à leurs besoins les plus proches sont ceux du boulevard Marcel Cahen qui sont restés en place.
Que faire ?
Citoyen.ne.s
Tout le monde peut contribuer de manière non-invasive à contrer la problématique, ceci dans le respect du concept d'une « cohabitation respectueuse » :
- Utiliser des poubelles à couvercle et fermer les couvercles des poubelles situées à l’extérieur ;
- Couvrir les installations de compostage afin que les corbeaux n'y aient pas accès ;
- Ne pas nourrir les corbeaux, ni d’autres animaux sauvages intentionnellement ou involontairement ;
- Ne pas laisser des restes de nourriture exposés à l’extérieur ;
- Ne pas jeter des restes de nourriture dans la nature ou l’espace commun.
Communes
En automne 2022, le ministère de l’Environnement a contacté de manière proactive plusieures communes, afin de leur rappeler l’importance de l’élaboration de plans de gestions. Le ministère se tient à la disposition de toutes les communes qui constatent une forte population de corbeaux freux sur leur territoire.
Il convient toutefois de veiller aux points suivants afin de permettre une collaboration efficace entre le ministère et la commune :
- Il incombe aux communes d’élaborer un plan de gestion pour les corbeaux freux sur leur territoire ;
- Ce plan de gestion devait être opérationnel en automne/hiver ;
- Il visera d’atténuer, voire d’annuler, les nuisances causées par les corbeaux freux par une priorisation des lieux d’intervention des services compétents de la commune, tout en préservant l’état de conservation favorable de la population des corbeaux freux.
Le plan de gestion devrait préciser les éléments suivants :
- L’identification des zones particulièrement sensibles aux conflits et des facteurs pouvant contribuer au potentiel de conflit (poubelles ouvertes, etc.) ;
- Une échelle de priorité (par exemple 1 = besoin fondamental d'action, 2 = besoin d'action sous certaines conditions, 3 = pas besoin d'action) ;
- De différentes actions à appliquer en fonction des priorités ;
- L’identification des zones où les corbeaux sont tolérés, et
- Des mesures de sensibilisation et d’information pour les résident.e.s.